Cevennernas historiaDie Geschichte der CevennenLa historia de las CevenasLa storia delle CevenneΗ ιστορία των CévennesCevennernes historie

L'Histoire des Cévennes

Cévennesin historiaHistorien om CevenneneThe History of the Cévennes塞文山脉的历史История СевеннDe geschiedenis van de Cevennen
Garde-Guérin

Cévennes: Apparenté au gallois cefn, « dos », et au gaulois Cebenna, nom propre "les Cévennes": aucun équivalent sûr en dehors du celtique (LEBM, Lexique Étymologique des termes les plus usuels du Breton Moderne). Par ext. dossier, échine, quille (bateau). (Forme plus ancienne kefn/kevn – Dict. celto-bret. Le Gonideg, 1850). Nom sans doute ligure "Cemmenon” ou "Cibenon". Strabon écrit ce nom au sing. "kèmmènon", Ptolémée au plur. "kèmènna". Avienus écrit "Cimenici regio". Les gaulois ont substitué à ce terme ligure dénué de sens pour eux le nom de "Cebenna", dos (en gall. "cefn", "cefyn"; utilisé aussi en Pays de Galles pour désigner des montagnes). Pline écrit "Cebenna", César "Cevennna". (H. d’Arbois de Jubainville). Gallois "cefn", dos. Etimologia: gallès < britònic (gallois < brittonique) *KEMN- = esquena (dos, échine). Formes emparentades (formes apparentées): bretó kein = esquena. (Dict. gall.-catalan).

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Histoire des CévennesLa découverte d'une partie de la boîte crânienne d'un homme, engagée dans des sables et des lapilli du volcan pléistocène de Denise près du Puy en Velay, a prouvé que l'homme a été témoin des dernières éruptions quaternaires.
L'homme pour se défendre contre les animaux formidables de cette période avait armé son bras d'épieux, de pierres tranchantes (coup de poings), enfin de flèches frappant mortellement à distance. Pour cela les silex qu'il sut tailler en tranchant par éclats lui furent de première utilité. Les terrains qu'il rencontrait dans les Cévennes ne renfermaient que peu de silex, mais les terrains de l'Aveyron en étaient pourvus et le crétacique de la rive gauche du Rhône en offrait abondamment. Il est probable qu'il y eut de bonne heure un mouvement de transhumance des peuplades de pêcheurs et de chasseurs entre les rives du Rhône ou le littoral maritime et les hauts plateaux cévenols, où il est évident qu'ils purent se fournir abondamment des silex nécessaires. A l'époque néolithique, alors que l'homme avait appris à tailler finement et à polir les pierres, il usa des matériaux durs qu'il trouvait, notamment dans la région volcanique, basalte, quartz, jadéite, fibrolite (silicate d'alumine), actinote, etc.

PaletLe grand nombre de grottes et d'abris sous roche qu'il trouva dans les calcaires de l'Ardèche, pays des Gras, causses de Saint-Remèze, etc., dans ceux de la Lozère, cans cévenols, causse Noir, causses Méjean, de Sauveterre, de Sèverac, du Larzac, etc., permit à l'homme préhistorique de s'y multiplier. Aussi, nombreux sont les monuments mégalithiques qu'il y laissa; l'Aveyron possède le dixième des dolmens classés de la France. Les menhirs ou pierres levées sont aussi très nombreux : le menhir était une pierre de première utilité et son caractère sacré en assurait la conservation. Il faut avoir erré sur ces immenses plateaux, soit par temps de brouillard, soit par les fameuses tourmentes de neige appelées sibères, pour se rendre compte de la nécessité de ces points de repère pour tous, bergers, transhumants, colporteurs de silex.

Dans la Haute-Loire, le Velay, n'a pas révélé, en dehors de la trouvaille de Denise, de traces de la période paléolithique ou de la pierre taillée; la période néolithique ou de la pierre polie n'y est pas mieux représentée. Le Velay, enserré par de hautes montagnes et de grands plateaux volcaniques, ne communiquant que par d'étroites gorges avec la Loire ou l'Allier, pas du tout avec le Bas-Rhône, semble être resté en dehors des explorations saisonnières dont nous avons parlé plus haut. On n'y signale que huit dolmens : parmi ceux-ci, il faut citer celui qui était au sommet du Mont-Anis et dominait la station où s'est établi Le Puy en Velay. Son caractère sacré survécut aux religions de la préhistoire et des Druides; il devint pierre des ladres, pierre des fièvres, et demeure toujours l'objet d'un pèlerinage suivi.

RegordaneL'âge du bronze a donné du moins lieu à quelques heureuses trouvailles : le musée du Puy en Velay a gardé la plupart des objets recueillis à Saint-Pierre-Ainac, à 850 m. d'altitude et à 13 k. E. du Puy en Velay, pacotille de marchand ambulant, composée de 78 objets, neufs pour la vente ou brisés pour la fonte; le musée de Lyon a acquis un petit trésor de bijoux en or provenant de la Montée des Capucins au Puy en Velay. De l'âge du fer, il a été trouvé peu de choses en Haute-Loire, malgré les recherches d'Aymard.

La Lozère, ouverte vers la vallée du Lot, au S.-O., comme la Dordogne, a été habitée évidemment dès la période paléolithique, mais n'a pas donné lieu à de nombreuses trouvailles de cette époque. Cependant un atelier de taille de silex travaillait, à Saint-Léger-de-Malzieu, un excellent gisement d'un silex d'origine lacustre. Par contre, l'époque néolithique a des haches et des pointes de lances finement taillées, des simulacres de hachettes pour tombeaux en jadéite, des colliers en jais, en os, des aiguilles, des poteries (non tournées), enfin les restes de toute une sorte de civilisation. La préhistoire en Lozère a donné lieu à d'importants travaux de l'abbé Delaunay, de l'abbé Solanet, de Malafosse, du Dr Prunières surtout, et de Marcellin Boule. C'est a l'occasion d'une trouvaille faite en 1873, que le Dr Prunières, appuyé par le Dr Broca, révéla l'existence de la trépanation préhistorique sur des crânes intentionnellement perforés et où le travail des bourrelets de cicatrisation est nettement visible.

abbaye de mercoireLe musée de la Société d'Agriculture à Mende contient un trésor de l'âge du bronze trouvé à Carnac, près de La Malène, sur le causse Méjean : pointes de flèches, vases, boutons, bracelets, bagues, etc.
Il est à remarquer que les dolmens et tumuli des Causses ont continué à recevoir des sépultures jusqu'à la fin de l'époque mérovingienne; on y a trouvé des deniers des évèques de Mende du XII°, tant a été grande sur le causse la permanence de la vie traditionnelle.
Les stations et grottes préhistoriques du département du Gard (stations de Collorgues, de Fontbouisse; cachette de Vers; grottes de Meyrannes, grotte Sartanette, grottes du Gardon, etc.), ont fourni au musée archéologique et au muséum de Nîmes des documents préhistoriques particulièrement intéressants.
L'oppidium de Murviel-lès-Montpellier, celui de Nages, près Nîmes, les grottes de Bize, le dolmen de Villeneuye-Minervois, sont, en dehors de la vallée du Rhône, les principales curiosités préhistoriques du Bas-Languedoc; il faut leur joindre les collections du musée de la Société archéologique de Montpellier, celles du musée de Narbonne, composées en partie d'objets trouvés dans le voisinage de ces villes.
Le département du Tarn a fourni peu de monuments ou objets préhistoriques.

A l'aube de la période historique tout le Sud-Est de la France est habité par les Ligures. Ils avaient créé ce que l'on a pu appeler la civilisation des oppida, commune à la région qui nous occupe et à la Provence. Cette civilisation remplaçait celle des cavernes mais elle en dérivait directement.
3 Histoire des CévennesQuelles sont en effet, au point de vue de l'activité humaine, les caractéristiques du Midi méditerranéen français. C'est de comporter deux grandes voies de circulation d'une importance exceptionnelle l'une orientée de l'Est à l'Ouest qui, par les vallées de l'Argens et de l'Arc, puis par la plaine du Bas-Languedoc, la vallée de l'Aude, celles de l'Hers et de la Garonne, conduit d'Italie à l'Atlantique avec facile bifurcation vers l'Espagne; l'autre, orientée du Sud au Nord, la vallée du Rhône, qui conduit droit à la mer du Nord.

La première apportait le bronze, la seconde apportait l'ambre. Mais c'est aussi que ces deux grands passages sont bordés de montagnes abruptes où abondent les fortes positions d'où l'on peut en sécurité surveiller la plaine. C'est enfin l'importance inévitable des échanges économiques entre la montagne et la plaine.
Les oppida, nœuds de routes et centres de zones cultivées, marquaient donc un incontestable progrès sur l'âge des cavernes, mais ce progrès fut encore accentué par les relations que les habitants, prenant un contact direct avec la civilisation hellénique, entretinrent avec les comptoirs que les Phéniciens au VIII°, puis au VI° les Phocéens installèrent sur la côte (Marseille, la Rouanesse près Beaucaire, Agde).
C'est vraisemblablement au milieu du IV° que les Celtes ou Gaulois envahirent la région, occupant militairement les oppida afin de dominer les autochtones probablement plus nombreux qu'eux. Mais une fusion semble s'être faite assez rapidement et, à défaut d'autres témoignages, les curieuses monnaies gauloises suffiraient à montrer avec quelle facilité les rudes conquérants subirent l'influence civilisatrice des marchands grecs.

L'année 218 vit se dérouler, à travers la région qui nous occupe, un des plus fameux événements de l'histoire dont les répercussions devaient être, pour elle, considérables: l'expédition d'Annibal. L'armée carthaginoise, bien qu'elle ait, d'une façon générale, su acquérir la netitrailté bienveillante des Gaulois, dut cependant disputer aux Volces le passage du Rhône, puis, négligeant les troupes que les Romains avaient débarquées à Marseille, s'enfonça dans les Alpes pour les franchir. On sait comment finit le conflit de Rome avec Carthage. Une de ses conséquences fut la conquête de l'Espagne par les Romains et cette conquête eut à son tour pour conséquence fatale l'occupation du littoral gaulois. Malgré la facilité relative des communications maritimes, les vainqueurs songèrent bientôt à utiliser et à améliorer la route qu'avaient empruntée les envahisseurs puniques. Ils profitèrent de la faiblesse de leurs alliés marseillais, incapables de se défendre contre les agressions des Celto-Ligures, pour venir à leur aide et occuper méthodiquement le pays: Nice en 154, Aix en 123, Nîmes en 120, Narbonne en 118, Toulouse en 106.

VoieLa route suivie par Annibal devenait une voie romaine, la voie Domitienne, et la région conquise devenait la Gallia transalpina et, un peu plus tard, la Provincia Romand, gouvernement militaire dont la Provence conserve le nom. Les Romains, en effet, avaient été obligés, pour mettre la voie Domitienne à l'abri des coups de main, d'occuper l'arrière-pays, et il est très curieux de noter que la partie de la Provincia située sur la rive droite du Rhône a déjà à peu près les mêmes limites que notre Languedoc du XVIII°: elle embrasse en effet les Helviens (Vivarais), les Volces Arécomiques (Bas-Languedoc) et les Volces Tectosages (Toulousain et Albigeois). Le pays des Rutènes (Rouergue) reste en dehors de la Province de même que, à la fin du XVIII°, il appartient au gouvernement de Guyenne et à l'intendance de Montauban, formant un grand saillant qui s'avance au cœur du Languedoc. Toutefois, le pays des Vellaves (Velay) et celui des Gabales (Gévaudan) restent en dehors de la Province romaine.

Celle-ci sera naturellement la base des opérations de César pour la conquête de la Gaule et c'est lui qui, le premier, nous parle du mons Cevenna que, par une manœuvre stratégique célèbre, il fit franchir malgré la neige, en février 52, aux troupes stationnées sur la côte, simple feinte destinée à masquer l'arrivée en Auvergne, par le Nord, des dix légions qu'il avait concentrées dans la région de Langres: c'était le début de la campagne que devaient marquer le siège d'Avaricum et l'attaque manquée de Gergovie.

ChassezacAprès la conquête, la Province Romaine devint la Narbonnaise, province proconsulaire. Elle fut administrée avec ce respect des traditions locales, cette exactitude méticuleuse qui était partout la marque du génie romain. Dans les vieilles villes celto-ligures, des colonies de vétérans ou de citoyens romains forment les cadres d'une occupation toute pacifique, tant la population autochtone subissait aisément les vainqueurs. A la fin du IV°, la Narbonnaise Première, détachée de la grande Narbonnaise, préfigure à peu de chose près notre Languedoc. Narbonne l'emporte sur Nîmes, sur Béziers et même sur Toulouse. Les vins du Biterrois sont déjà réputés.

La romanisation de cette région déjà touchée par l'hellénisme fut si profonde qu'elle eut deux curieuses conséquences: la première, c'est que, encore aujourd'hui, la population ne parle pas autre chose qu'un latin vulgaire transformé; la seconde, c'est que le christianisme y progressa moins rapidement que sur les bords de la Saône, de la Loire ou de la Seine; il ne s'y organisera véritablement que dans la seconde moitié du IV° et il est permis de dire que, à travers les siècles, le génie languedocien, tout marqué de christianisme qu'il soit, est demeuré davantage encore romain.

Les grandes invasions furent marquées par l'installation, en 419, avec le consentement de l'empereur Honorius, des Visigoths en Aquitaine (Nantes, Bordeaux, Toulouse). Au milieu du V°, ils occupent le reste de la Narbonnaise. Ces barbares, qui étaient depuis quelque temps déjà à la solde de l'Empire, ne détruisirent pas la civilisation gallo-romaine, mais l'utilisèrent aussi bien que possible, en sorte que la région n'a pas fourni de « monuments » visigoths, sauf des sépultures et des bijoux. Fustel de Coulanges a d'ailleurs montré que les envahisseurs devaient être beaucoup moins nombreux que les Gallo-Romains ils ne furent que des garnisaires un peu rudes.

Voie RégordaneLa fin du V° marqua l'apogée du royaume des Visigoths qui s'étendait alors d'Orléans jusqu'aux colonnes d'Hercule, embrassant presque toute l'Espagne. La victoire remportée par Clovis à Veuille en 507 chassa du Sud-Ouest de la France les Visigoths qui réussirent à conserver l'ancienne Narbonnaise moins le district de Toulouse. Cette région, province du royaume visigoth d'Espagne, prit alors le nom de Septimanie ou Gothie.

Le VIII° vit apparaître les Sarrasins. Il est démontré, aujourd'hui, que ces nouveaux envahisseurs se conduisirent en simples pillards, incapables de rien créer, et que la région n'a pas conservé la moindre « antiquité arabe ». Il faut probablement voir la cause du souvenir extraordinairement vivant qu'ont laissé ici, comme en Provence, les « Maures » ou « Sarrasins », dans le fait que, pendant cinq siècles, la croisade fut prêchée sans cesse pour la délivrance de l'Espagne et que, bien avant les grandes expéditions de Terre Sainte, de nombreux Français du Midi avaient, par petits paquets, franchi les Pyrénées pour combattre les Infidèles.

Quoi qu'il en soit, ce fut par Narbonne que, en 719, les Arabes commencèrent l'aventureuse équipée à laquelle Charles Martel mit fin à Poitiers en 732. Mais ils réussirent à garder la Septimanie jusqu'en 760, date à laquelle ils en seront expulsés par Pépin le Bref.
Sous les Mérovingiens et sous les Carolingiens, Toulouse demeurera la capitale de l'Aquitaine et changera de maîtres au gré des partages qui ruinèrent ces deux dynasties. Charlemagne avait conservé la Septimanie comme division administrative de son Empire, une « marche » dont le rôle était de renforcer la marche d'Espagne, le futur comté de Barcelone.

Dans l'anarchie qui suivit la décomposition de l'Empire de Charlemagne, les comtes de Toulouse, simples fonctionnaires, suivant le temps, de l'empereur, du roi ou du duc d'Aquitaine, devinrent comtes héréditaires, et le comté de Toulouse, démembré du duché d'Aquitaine, fut, dès le début de la dynastie capétienne, un des grands fiefs mouvant directement de la Couronne. Mais le roi était loin et sa suzeraineté toute théorique.

Garde-GuérinAu cours des XI° et XII°, la dynastie des comtes de Toulouse ne cessa pas de grandir. Sans entrer dans les détails de cette histoire compliquée, il suffit de dire que, à l'aube du XIII°, le comte de Toulouse possédait le Toulousain, l'Agenais, le Quercy et le Rouergue, qu'il était duc de Narbonne (ancienne Septimanie) et marquis de Provence (Comtat Venaissin et Valentinois), et qu'il avait pour vassaux les comtes ou vicomtes de Foix, d'Astarac, d'Armagnac, de Pardiac, de Lomagne, de Razès, d'Albi, de Carcassonne, de Narbonne, de Béziers et de Nîmes. On voit en quoi ce domaine différait de la future province de Languedoc il empiétait fortement sur la Gascogne; par contre il y manquait les comtés ecclésiastiques de Viviers, de Velay et de Gévaudan.

Protégée par des princes éclairés, héritière de la civilisation gallo-romaine, entretenant avec l'Orient, par le port que Montpellier avait à l'embouchure du Lez, des relations que les croisades avaient développées, la population du comté de Toulouse était, au moins par la littérature et les mœurs, bien en avance sur le Nord de la France. Convictions chrétiennes, attirance de l'Orient, goût des aventures, ambition ? nous ne saurons jamais la complexité des raisons qui poussèrent le comte Raymond IV à se croiser pour mourir, en 1105, comte de Tripoli.

La civilisation toulousaine est caractérisée par la fréquence de la petite propriété privée, par le petit nombre des serfs, surtout dans la plaine, par l'usage du « droit écrit » d'origine romaine, par le groupement de la population en villes et en gros villages, ceux-ci ayant généralement succédé à une villa gallo-romaine. De là la puissance précoce des « communes » qui, à partir du XII°, sont dirigées par des consuls ou capitouls et jouissent d'une véritable autonomie administrative et, dans une certaine mesure, politique. C'est par là, par l'ascension continue d'une bourgeoisie qui prête aux seigneurs dépensiers l'argent qu'elle a gagné dans le négoce et en fait ainsi ses obligés, que le Languedoc, comme la Provence, ressemble beaucoup plus à l'Italie qu'à la France du Nord.

Moyen AgePar opposition encore à la France du Nord, la civilisation toulousaine est laïque. L'Eglise a cependant, ici comme ailleurs, joué son rôle; dans le chaos du haut Moyen Age elle a été la seule armature du pays, elle a maintenu ce qu'elle a pu de la culture gréco-latine, elle a organisé la bienfaisance, créé des « villes franches », facilité la diminution du servage. Mais c'est un fait que les Méridionaux, du moins ceux de la plaine, ceux qui ont pour eux le nombre et la richesse, ne fournissent à l'Eglise, ni théologiens, ni mystiques; comme en Provence, la faiblesse du monachisme bénédictin est frappante et encore faudrait-il faire, dans les fondations qui en relèvent, la part des hommes du Nord.

Pris par la vie mondaine des villes où ils résident, les évêques, qui appartiennent généralement à la noblesse du comté, en subissent l'influence fâcheuse et on pourrait en dire autant des curés qu'il faut, en l'absence d'une véritable paysannerie, recruter dans le peuple des communes. De là le relâchement de la doctrine et des mœurs, de là une tolérance en matière de foi qui, à cette époque, ne s'explique que par une insolite indifférence. A la croisade même, les Français du Nord remarquent la bravoure et le brillant des Méridionaux, mais aussi leur légèreté et leur scepticisme.
Par contre, bien avant la constitution régulière des universités de Toulouse et de Montpellier, les études sont florissantes, surtout le droit et la médecine, en second lieu les lettres. Comme à Bologne ou à Salerne, l'enseignement y doit beaucoup aux Arabes et aux Juifs.

On verra plus loin que l'architecture religieuse du pays a d'étroits rapports avec celle de la Lombardie et avec celle de la Catalogne et qu'elle a, en outre, produit quelques grands monuments et une école de sculpture proprement languedociens, mais rien ne sera plus original que la littérature des troubadours par son art, par sa technique, par la subtilité des sentiments exprimés, par la place éminente qu'elle fait à la femme, cette poésie a contribué à l'adoucissement des mœurs, à l'enrichissement de la sensibilité, et, au XIII°, tandis qu'elle s'éteindra dans son pays d'origine, elle ira, avec la prodigieuse architecture de l'Ile-de-France et de la Bourgogne, porter en Italie et en Allemagne la marque du génie français.

BourgogneLes rois de France qui venaient de faire avec les ducs de Normandie et les comtes d'Anjou une dure expérience, ne pouvaient laisser un semblable péril se reconstituer dans le Midi que les comtes de Toulouse s'installassent en Espagne comme les Plantagenets l'avaient fait en Angleterre, et la France était à nouveau démembrée. Philippe Auguste, ce grand roi qui venait de reprendre la Normandie et l'Anjou, profita, pour intervenir, d'une occasion extraordinaire.

Les états du comte de Toulouse étaient remplis d'hérétiques que l'histoire a appelés Cathares, et aussi Albigeois parce qu'ils étaient, en effet, particulièrement nombreux autour de cette ville. Cette hérésie était un mélange de l'arianisme et du manichéisme apportés par les Visigoths et entretenus par les marchands qui venaient de l'Europe orientale, de judaïsme apporté par les nombreux Juifs qui vivaient paisiblement dans la région où ils avaient des écoles florissantes, et même d'islamisme laissé par les Arabes. L'extrême facilité des mœurs méridionales faisait que l'hérésie bénéficiait d'une étonnante tolérance. Pratiquement, les Cathares, sous prétexte de répudier la corruption d'une société fortement hiérarchisée, tendaient vers une sorte de communisme. Libérer l'esprit de l'emprise de la matière était leur principale préoccupation; pour y parvenir ils conseillaient la chasteté, la restriction de nourriture allant jusqu'à la mort d'inanition et, par une conséquence logique, ils conseillaient !e libertinage et l'avortement à ceux ou à celles qui ne se sentaient pas capables de mener la vie pure des « parfaits ». De la célèbre parole du Christ sur l'épée ils concluaient que la société n'a ni le droit de punir ni celui de faire la guerre. C'étaient, en somme, ce que nous appelons aujourd'hui des anarchistes et des objecteurs de conscience.

AmalricLa papauté essaya d'abord de les convertir par la prédication. Ce fut en vain, et, en 1208, l'assassinat du légat détermina Innocent III à prêcher la croisade. Comme dans toutes ces entreprises, les considérations matérielles se mêlèrent aux raisons religieuses. Si la noblesse méridionale voyait dans l'affaiblissement du catholicisme l'occasion de mettre la main sur les biens de l'Eglise, la noblesse du Nord vit dans la croisade l'occasion de mettre la main sur les biens des seigneurs hérétiques, et si une partie du peuple était attachée à l'hérésie, il en était une autre, les boutiquiers, par exemple, qui voyaient leurs affaires péricliter au fur et à mesure qu'étaient délaissés églises, abbayes et pèlerinages. La noblesse méridionale favorable à l'hérésie, et qui fournissait les cadres militaires nécessaires à la résistance se trouvait donc engagée dans une lutte sans merci. Prudemment, le roi de France se contenta d'autoriser un petit nombre de seigneurs — mais le chiffre fut dépassé — à participer à la croisade.

Cinquante mille Français du Nord conduits par l'abbé de Citeaux, Arnaud Amalric, se ruèrent sur le Midi. Après la prise de Béziers et de Carcassonne dont on massacra les habitants (1209), Simon de Montfort (Montfort-l'Amaury près Paris), homme insensible et dévot, mais honnête, intelligent, homme de guerre et administrateur remarquable, prit la direction des opérations désarmement méthodique du pays par des colonnes volantes et éviction des seigneurs locaux compromis. Jusque-là, le comte de Toulouse Raymond VI, fort indécis, sans convictions bien arrêtées, avait laissé faire.

CroisadesMais les procédés des croisés qui se conduisaient comme des étrangers en pays conquis (ils ne faisaient d'ailleurs que suivrent les instructions pontificales), ayant fait l'unanimité de ses sujets catholiques ou hérétiques, il prit les armes et, levant véritablement contre les « Barbares » du Nord le drapeau de l'indépendance des pays de langue d'oc, il appela à son secours le roi d'Aragon son beau-frère. De religieuse qu'elle était, la lutte devenait politique. Les deux princes furent vaincus par Simon de Montfort à Muret, aux portes de Toulouse, le 12 septembre 1213, et le roi d'Aragon périt en brave dans la bataille. Ainsi furent brisées des espérances sans doute chimériques, mais certains Languedociens déplorent encore aujourd'hui les conséquences de cette journée pour eux néfaste.
Quoi qu'il en soit, la puissance toulousaine était ruinée et, notons-le, sans que le roi de France y fût, en tant que suzerain, pour quelque chose. Ce n'était pas une armée royale mais une armée de croisés qui avait mis le pays à feu et à sang. La monarchie se réservait.

En 1215, l'année de Bouvines et de la Grande Charte, l'héritier de la Couronne, le futur Louis VIII, occupe Toulouse tandis que le pape dépossède Raymond de ses états. Celui-ci reprend les armes en 1217 et réoccupe Toulouse où les « Français » sont massacrés. Montfort vient assiéger la ville, mais, le 25 juin 1218, un projectile lui cassa la tête et le siégé fut levé. Pendant son règne de trois ans (1223-1226), Louis VIII, désireux de recueillir les fruits de la politique paternelle, se croisa contre les Albigeois à des conditions plus avantageuses pour la France que pour la papauté. Il mourra au cours de l'expédition, mais le comté fut réoccupé. Enfin, après des alternatives diverses, Raymond VII, fils de Raymond VI, renonça à la lutte et, par le traité de Meaux (1229), œuvre de Blanche de Castille, ne conserva qu'une partie de ses domaines à la condition de marier sa fille à Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX, étant entendu que, à la mort de Raymond VII qui eut lieu en 1249, Alphonse de Poitiers deviendrait comte de Toulouse, et que si celui-ci mourait sans enfants, le comté ferait retour à la Couronne, ce qui eut lieu en 1271.

Philippe le BelDepuis lors, le Languedoc, qui ne sera jamais donné en apanage, sera administré directement par des fonctionnaires royaux. La politique à la fois ferme et bienveillante de Louis IX et de son frère ne tarda pas à réparer les ruines causées par la croisade et les habitants du comté devinrent tout de suite, il faut le proclamer, des Français sans condition. La répression de l'albigéisme, tâche ingrate, parfois odieuse, fut l'œuvre de l'Inquisition.

Dès 1207, le futur St Dominique avait organisé la lutte contre l'hérésie. C'est à Toulouse que, en 1215, il fonda pour la réprimer l'ordre des frères prêcheurs et que, en 1229, un concile réunissant les évêques du Midi, institua le tribunal de l'Inquisition dont les excès, que les gens du Roi tâchaient à chaque instant de réprimer, faillirent plusieurs fois ranimer la guerre. Mais les rigueurs du fameux tribunal, qui durèrent jusqu'au milieu du XIV°, et qui, de fait, extirpèrent les derniers restes de l'hérésie, semblent avoir laissé des souvenirs ineffaçables et transformé le caractère des habitants qui, de tolérants et indifférents qu'ils étaient, devinrent en tout de redoutables fanatiques comme la suite de leur histoire le montrera.

L'assimilation fut surtout l'œuvre de Philippe le Bel. Par un curieux retour des choses, c'est le Languedoc qui lui fournira les légistes dont il se servira dans sa lutte contre la papauté. Beaucaire et Nîmes se développent, le roi de France prend pied à Montpellier que le traité de Meaux avait laissé au roi d'Aragon et, à défaut de Marseille, tire d'Aigues-Mortes tout le parti possible comme port. Le XIII° vit encore la fondation des Universités de Toulouse (1229) et Montpellier (1289).

TroupeauxLe territoire du Languedoc devait encore subir des modifications. Par le traité d'Amiens (1279), l'Agenais et l'Armagnac rentrent dans la mouvance du duché de Guyenne que le roi d'Angleterre tenait à fief du roi de France. Par contre, à la suite de l'acquisition de Lyon, Philippe le Bel, en 1307, conclut avec les évêques du Puy en Velay, de Mende et de Viviers des contrats de pariage qui, pratiquement, réunissent à la Couronne le Velay, le Gévaudan et le Vivarais. L'occupation de cette dernière contrée donnait à la France presque toute la rive droite du Rhône. Philippe le Bel fait bâtir une tête de pont à Villeneuve devant Avignon, et Philippe de Valois en fait bâtir une autre à Sainte-Colombe devant Vienne. Le même roi achève, en 1349, l'acquisition de Montpellier. Enfin, par une conséquence du malheureux traité de Brétigny (1360), le Rouergue est cédé au roi d'Angleterre, et bien que Charles V l'ait reconquis dix ans plus tard, il suivra désormais, au point de vue administratif, les destinées de la Guyenne. Les limites du Languedoc ne subiront plus de changement jusqu'à la destruction de la province par la Révolution.

Sauf l'incursion du Prince Noir qui, en 1355, poussera jusqu'à Carcassonne, le Languedoc ne sera pas directement atteint par la guerre de Cent Ans, mais son loyalisme et son patriotisme joueront un rôle capital dans la lutte contre les Anglais. Il ne cessera pas de fournir de l'argent et des hommes pour la défense nationale; partout les villes se fortifient pour pouvoir arrêter l'ennemi, et nos rois reconnurent ces services en accordant aux Etats de la province un rôle exceptionnel sur lequel nous reviendrons.

Croix de pierreIl est curieux de noter l'importance qu'eut, pendant la guerre de Cent Ans, l'antique Voie Regordane, voie romaine attribuée sans preuve à l'empereur Gordien, et qui, de Nîmes, conduisait à Clermont-Ferrand par Alès et la vallée de l'Allier. C'était depuis longtemps un des grands chemins de pèlerinage, la via Tolosana il réunissait, en effet, les célèbres sanctuaires de Notre-Dame-du-Port, Brioude et Le Puy en Velay, franchissait les Cévennes, débouchait à Nîmes, gagnait le sanctuaire de Saint-Gilles puis celui de Saint-Guilhem, d'où, par Toulouse, il allait franchir les Pyrénées pour aboutir à Compostelle. Comme cette route, par Bourges et Orléans, conduisait à Paris, elle se trouva être, après la réunion du Languedoc, le grand axe, en longitude, du domaine royal et, pendant la guerre de Cent Ans, sa grande artère stratégique et politique puisque, d'une part, la vallée du Rhône n'était qu'en partie française, et que, d'autre part, les Anglais interceptaient les routes de l'Aquitaine. C'est par là que Languedociens et Gascons viendront combattre pour le roi de Bourges avec Jeanne d'Arc.

La réunion de la Provence à la Couronne, en 1483, fit de Marseille le grand port français sur la Méditerranée, entraînant la décadence d'Aigues-Mortes et du commerce montpelliérain. La prospérité qui suivit la fin de la guerre de Cent Ans fut à nouveau ruinée par les guerres de Religion qui prirent, dans la région, un caractère d'âpreté exceptionnel. D'une façon générale le Toulousain et Carcassonne demeurèrent catholiques et embrassèrent contre Henri III le parti de la Ligue; comme le reste de la province, sans parler de l'Agenais, était aux mains des protestants, on imagine le degré de fureur qu'atteignit la lutte lorsque, après l'assassinat de Henri III, l'héritier du trône se trouva être un protestant. Le parlement de Toulouse, soutenu par une population fanatique, exerça contre les huguenots des rigueurs pires que celles de l'Inquisition au X° Comme à cette époque, et pour des raisons analogues, la noblesse locale fournit aux réformés leurs cadres militaires.

L'Edit de NantesL'Edit de Nantes ne fut qu'une trêve. Dans cette région où les deux confessions étaient si mêlées, chacune prétendit que l'Edit était trop favorable à l'autre et, profitant de la minorité de Louis XIII, les protestants, qui avaient conservé leur organisation militaire, reprirent les armes. Dès que le roi eut pris effectivement le pouvoir, les protestants furent sévèrement châtiés, mais Montpellier ne capitula qu'après un siège en règle (1622). La paix de Montpellier ne dura guère et l'année 1627 vit le soulèvement général des protestants que marqua le fameux siège de La Rochelle. Après la capitulation de cette ville (1628), le roi se retourna contre les protestants du Languedoc qui opposèrent partout, derrière les murailles que les villes avaient élevées au XVI° pour arrêter les Anglais et les routiers, une résistance acharnée. Louis XIII fit raser Privas pour l'exemple mais, aussitôt après, faisant preuve de la même admirable modération qu'il avait montrée aux habitants de La Rochelle, accorda aux réformés la célèbre paix d'Alès (1629) qui maintenait strictement les stipulations de l'Edit de Nantes mais ruinait les prétentions des protestants à former un Etat dans l'Etat.

Les mesures centralisatrices que Richelieu crut devoir prendre en Languedoc pour éviter le retour de semblables événements, notamment en restreignant les attributions des Etats, provoquèrent une résistance d'abord passive d'une partie de l'épiscopat, de la noblesse et du parlement; mais cette résistance prit le caractère d'une rébellion lorsque le duc de Montmorency, gouverneur de la province, voulut jouer sa partie dans la vaste conspiration aristocratique à laquelle Gaston d'Orléans prêtait son incertaine autorité. Le loyalisme des protestants et des communes ruina les espérances des conspirateurs. Montmorency, battu et pris à la bataille de Castelnaudary, fut décapité dans la cour du Capitule de Toulouse (1632). Faible réplique de la bataille de Muret.

RichelieuC'est ici le lieu de dire quelques mots sur l'administration de la province. A sa tête était le gouverneur qui, de 1526 à 1632, fut toujours un Montmorency. Richelieu fit du gouverneur un simple personnage décoratif que le lieutenant général remplaçait dans l'exercice effectif de ses fonctions. Le parlement de Toulouse, le plus ancien après celui de Paris, fundé en 1303 par Philippe le Bel, supprimé par le même roi en 1312, fut rétabli en 1419 mi le régent, niais du fait que la France était alors engagée dans la période la plus critique de la guerre de Cent Ans, il ne fut définitivement reconstitué qu'en 1443. Ses magistrats se signalèrent à la fois par leur science, par leur catholicisme intransigeant et, au XVIII°, par leurs prétentions insensées et leur opposition aux réformes administratives et financières qu'envisageait la monarchie, si bien que la popularité que leur valut alors leur rôle d'opposants te naît à une équivoque, et la Révolution le leur fera bien voir en envoyant 53 d'entre eux à la guillotine.

Le Languedoc fut, dès sa réunion à la Couronne, un « pays d'Etats » et les Etats de Languedoc eurent de bonne heure une importance en rapport avec celle de la province. Le patriotisme avec lequel ils votèrent, aux plus sombres moments de la guerre de Cent Ans, après les désastres de Crécy, de Poitiers et d'Azincourt, les subsides nécessaires à la défense nationale, leur valut, de la part de nos rois, une reconnaissance d'où ils tirèrent un regain de prestige et d'autorité.

Les Etats, qui se réunissaient annuellement, le plus souvent à Montpellier ou à Pézenas, comprenaient 22 archevêques ou évèques, 22 barons et 44 députés des villes; l'archevêque de Narbonne en était le président-né. Leur réunion donnait lieu à de somptueuses cérémonies.

La principale des « franchises et libertés » du Languedoc consistait dans le consentement de l'impôt par les Etats, mais lorsque la monarchie fut, à la fin du XV°, redevenue assez forte pour reprendre sa besogne de centralisation et d'unification, le consentement devint peu à peu un simple marchandage destiné à sauver la face. Mais, même après les réformes de Richelieu, les Etats continuèrent de servir utilement d'intermédiaire entre les communes et le pouvoir central, de régler la répartition de l'impôt suivant les ressources de chaque contrée, enfin et surtout, c'est d'accord avec l'intendant qu'ils consacrent une partie du budget provincial à l'exécution d'importants travaux publics, au premier rang desquels le fameux canal du Midi. L'assemblée d'autre part conservait la faculté d'exprimer des remontrances ou doléances qu'examinait avec attention le Conseil du Roi.

Les franchises de la province consistaient encore dans les restes importants d'autonomie que les communes avaient conservés du temps où elles étaient de véritables républiques à l'italienne. Indépendamment de l'inconvénient que ces libertés présentaient pour le pouvoir souverain, elles avaient souvent pour résultat de ruiner les finances des communes qui empruntaient et imposaient sans discernement. Déjà Henri IV avait commencé de les mettre en tutelle; Louis XIV acheva de les soumettre en transformant (1692) les charges municipales électives en offices vénaux, ce qui était tomber dans l'excès contraire.

HuguenotsL'intendance du Languedoc, divisée en deux généralités (Montpellier et Toulouse), eut, comme les autres provinces, d'éminents titulaires (onze seulement en 150 ans) parmi lesquels Daguesseau (1674-1685) et Basville (1685-1718) qui, obéissant à l'impulsion donnée par Colbert, restaurèrent les forêts, développèrent les industries du drap, de la soie et de la dentelle, créèrent le port de Sète. La prospérité due à ces remarquables administrateurs ne fit que croître dans la seconde moitié du XVIII°, et les rapports du dernier d'entre eux, Ballainvilliers (1786-1790), nous apprennent que, les besoins régionaux une fois satisfaits, les exportations de la province représentaient un bénéfice annuel de 66 millions de livres. La population est alors de 1.700.000 habitants; Toulouse en a 60.000 et Montpellier 30.000.

La prospérité de la province aurait été encore plus grande si la révocation de l'Edit de Nantes et la guerre des Camisards ne l'avaient sérieusement atteinte. On se reportera pour le détail des événements à ce que nous en disons. Il suffit ici de dire que, en essayant de faire disparaître le protestantisme, l'Etat se proposait de réaliser une unité politique et religieuse qui accroîtrait sa puissance; il ne faisait au reste qu'appliquer le précepte de droit public alors admis partout cujus regio, ejus religio; l'organisation religieuse des protestants n'avait-elle pas au surplus quelque chose de fédéral itde démocratique peu compatible avec le principe de la monarchie absolue ?

Enfin il faut rapprocher la révocation des autres affaires religieuses ci rappeler que Louis XIV, en même temps qu'il s'en prenait aux protestants, soutenait contre le pape les libertés de l'église gallicane.
Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne les Cévennes, l'épiscopat languedocien et le parlement de Toulouse ne firent que pousser à l'aggravation des mesures prises contre les protestants, tandis que commerçants et artisans catholiques virent souvent dans la révocation l'occasion d'évincer des concurrents. A la veille de la Révolution, alors que le gouvernement avait renoncé à la lutte religieuse et pratiquement reconnu la liberté de conscience, évëques et parlementaires n'avaient pas désarmé. Par contre il faut noter que, d'une façon générale, cette atroce persécution n'avait pas entamé le loyalisme des protestants qui n'avaient pas émigré.

Louis XIVLes débuts de la Révolution furent favorablement accueillis mais, par la suite, elle provoqua, dans ce pays tourmenté de ressentiments, des réactions fort variées. Si le Toulousain qui, aux XVI° et XVII°, avait été passionnément catholique, devint alors non moins passionnément « sans-culotte », le reste du Languedoc fut en somme la région de France où, après la Bretagne, l'Anjou et la Vendée, la résistance royaliste fut la plus active et si cette résistance fut surtout causée par les mesures anticatholiques des Assemblées révolutionnaires, il faut noter qu'elle se manifesta aussi dans le pays cévenol peuplé de protestants. Ce qui n'empêcha pas, en d'autres circonstances, catholiques et protestants d'en venir aux mains et si l'Empire, rétablissant le catholicisme en même temps que la liberté de conscience, fut une époque de tranquillité, la Restauration vit brusquement renaître les passions assoupies. Et, bien qu'aujourd'hui elles ne s'affrontent plus, heureusement, que sur le terrain électoral, les tendances d'autrefois se manifestent encore par le caractère très accusé de chaque parti politique, par l'intransigeance avec laquelle on est catholique, protestant ou incroyant.

Tout cela passionnément et sans nuances comme il convient à une race qui a le goût des controverses oratoires, et compliqué de rivalités locales et personnelles, tant le Méridional est individualiste. Et pourtant, à côté des « militants « embrigadés dans un parti, il y a aussi nombre d'indifférents, passablement jouisseurs comme on peut l'être dans un pays où la vie est en somme si facile, et qui, laissant de côté les rancunes historiques, font probablement renaître, sans le savoir, les mœurs amènes d'avant la croisade albigeoise.

Ces rivalités n'ont pas empêché, au XIX°, le Languedoc de prospérer en développant ses ressources naturelles. Des usines hydro-électriques secondent maintenant la houille locale dans la marche des manufactures un grand effort encore insuffisant, comme l'a montré l'inondation de 1930, a été fait pour le reboisement. Le port de Sète n'a cessé de grandir.

Mais le XIX° a vu la physionomie traditionnelle de la région se modifier par le développement inouï qu'a pris la culture de la vigne en Bas-Languedoc, et ce fait n'a pas été sans séparer sensiblement cette région du Toulousain. Mais cette distinction entre Languedoc méditerranéen et Languedoc aquitain est une réalité si évidente que la province eut de bonne heure deux têtes Toulouse et Montpellier. Si, du Nord au Sud, la plaine et la montagne se complètent heureusement, ce sont surtout la langue et l'histoire qui ont uni l'Est et l'Ouest.

 

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